PME : choix stratégiques
Quel est le degré d'autonomie d'une PME par rapport à ses environnements ?
En est-elle dépendante, comme le voudraient certaines théories managériales qui insistent sur l'alignement nécessaire aux contraintes extérieures ? On peut lire cela, par exemple, dans les discours des écoles stratégique de la contingence, des configurations ou de l'écologie des populations (voir MINTZBERG, 1998).
Peut-elle se construire des opportunités plus ouvertes, par de l'investissement volontaire dans certains produits ou marchés qu'elle imposerait, de fait, à ses environnement ? C'est ce que prétendent d'autres modèles stratégiques, comme ceux de l'intention stratégique ou du mangement par les ressources (voir aussi MINTZBERG, 1998).
Si l'environnement a de l'influence, s'agit-il seulement des marchés ? Non, bien sûr. Les entreprises sont aussi dépendantes de leur environnement institutionnel (les règles juridiques dans lesquelles s'inscrit leur activité, leurs obligations sociales et fiscale, les normes en vigueur dans leur profession, les habitudes et valeurs du pays d'implantation, l'image qu'il faut construire pour les salariés, les clients ou le territoire d'implantation).
Tous ces environnements sont-eux-mêmes actifs et abritent des acteurs qui sont les parties prenantes directes de l'entreprise. Ils interfèrent évidemment avec les décisions de positionnement (choix de produits, de marché, de dynamique professionnelle) et d'organisation (structures d'action).
En ce qui concerne les PME, on a souvent considéré que leur taille les empêchait d'avoir du potentiel d'intervention (de modification ou de transformation) par rapport à des environnements plus vastes et dominateurs. On les a donc jugées plutôt dépendantes (voire soumises) à leur contexte d'action et obligées de ce fait à une adaptation réactive. C'est parfois vrai. Cependant, beaucoup de PME sont capables de secouer leurs environnements, de s'y montrer créatives et d'opérer des innovations transformatrices.
Remarque :
Les PME disposent de divers leviers pour se libérer des pesanteurs ou des limitations de leur contexte d'action :
leur environnement utile est souvent assez proche d'elles (ou en tout cas particulier – lorsqu'elles occupent des niches, et même à l'international) ; cela le rend plus simple à contrôler.
il existe toujours des perspectives d'alliances avec d'autres (dans la chaîne fournisseurs clients, ou même entre concurrents), pour stabiliser le contexte ou intervenir sur lui avec plus de force (en constituant une centrale d'achats, en bloquant d'autres velléités concurrentielles, en cumulant les informations recueillies par les uns et les autres, etc.).
on peut toujours investir de nouveaux marchés ou inventer de nouveaux produits, surtout si les dirigeants ont des démarchés d'innovation, stimulés par leur habileté technique, leur flair commercial, leur entregent ou leurs réseaux.
Exemple :
Marc MEURIN travaille depuis 37 ans dans la restauration. Son premier café, baptisé « chez Marc » lui a permis de lancer une restauration de bistrot qu'il a peu à peu enrichie en cuisine de brasserie. Il s'est toujours appuyé sur ses clients (« ma façon de cuisiner devait plaire aux gens, nous ne désemplissions pas, avec une clientèle de tous les environs »). Suite à un incendie, il se fait proposer un de ses immeubles par une cliente (« le MEURIN »), où il décroche des étoiles au Michelin. Sa recette : « l'originalité, qui est la victoire de la curiosité sur l'habitude », sans compter l'attrait pour les produits locaux de qualité (« qu'on peut sublimer »).
Ce sont des clients, encore, qui lui parlent d'un château à reprendre, dont il a « vu la potentialité ». Il en fait un Relais et Château (hostellerie), y crée un second restaurant « « Le jardin d'Alice », une salle pour groupes et banquets (« Le Rose EVENTS »), puis un troisième endroit en ville (« Le restaurant de monsieur Jean »). Alice, Rose et Jean, pour les prénoms de ses trois petits-enfants.
Derrière cette stratégie, on observe une diversification par opportunités relationnelles, « qui permet de capter plusieurs clientèles », tout en continuant de « satisfaire les habitués ». Aujourd'hui, la société compte 80 salariés, gère 8 000 couverts par an et un hôtel quatre étoiles de 20 chambres (tiré de N. BUYSE, « Marc MEURIN revisite les plats régionaux », Les Echos, 23 août 2011).