Management stratégique en PME (1/2)

Le délibéré et l'émergent

Selon H. Mintzberg, B. Ahlstrand, J. Lampel, Safari en pays stratégie. L'exploration des grands courants de la pensée stratégique, Paris, Village Mondial, 1999,

Définition

Une stratégie est la combinaison entre ce qu'on a projeté, préparé, calculé à l'avance (ce qui est nécessaire pour voir clair et anticiper), et entre la capacité de sentir et saisir les opportunités, de foncer sur les occasions, de traverser les problèmes inattendus, de réagir habilement aux situations émergeantes, mais aussi de capter les incidents critiques ou les signaux faibles porteurs de menace ou d'intérêt.

Stratégie projetée -->

Stratégie non réalisée X

Stratégie délibérée -->

Flux d'affaires - - ->

Stratégie émergente - - >

Stratégie réalisée

Exemple

Il y a des stratégies de « position » (PORTER), à partir de produits précis sur des marchés précis. Et des stratégies de « perspective » (DRUCKER), à partir de savoir-faire qui se transforment en produits et services selon les opportunités ou les aléas conjoncturels (p. 24).

Certains considèrent la stratégie comme un effort constant de rationalisation. On schématise la réalité, on la structure pour y voir plus clair. Ils recommandent donc de savoir s'orienter, de concentrer ses efforts, de bien définir l'entreprise et ce qu'on veut en faire, de réduire les ambiguïtés. Certes, c'est très utile. Mais il ne faut pas non plus rester enfermé dans ses raisonnements. Les opportunités, les occasions n'apparaissent pas dans les chemins tout tracés.

Remarque

Il faut donc combiner la rigueur, le besoin de clarifier, et l'aptitude à rêver, à faire marcher son intuition, à sortir des sentiers battus.

Méthode

C'est ce que montre le tableau suivant, avec les effets positifs mais aussi négatifs des conseils souvent donnés en matière de stratégie d'entreprise.

Enjeux (effets + et -)

S'orienter

Se donner une ligne de conduite et aborder l'environnement avec cohérence (+)

Avoir des œillères. Tenir un cap préétabli sur une mer incertaine est un bon moyen de heurter l'iceberg (-)

Concentrer ses efforts

Coordonner l'action, éviter le désordre et le chaos (+)

Développer une « pensée de groupe » sans vision périphérique. S'exclure d'autres possibilités (-)

Définir l'entreprise

Se différencier clairement des autres (+)

Se réduire à des stéréotypes et perdre en complexité (-)

Réduire l'ambiguïté d'analyse

Construire une structure cognitive pour interpréter le monde et simplifier l'action (+)

Déformer ou distordre la réalité. Bloquer la créativité qui a besoin de liberté de penser (-)

Attention

Toute stratégie doit rester ouverte et ne pas s'enfermer dans ses partis pris.

Complément

On peut d'ailleurs considérer la stratégie comme un va-et-vient de tous les instants entre les informations dont on dispose et le reste. Vers la notion d'INCREMENTALISME LOGIQUE (J. B. Quinn, 1980).

« Le travail politique est un processus sans fin, fait d'étapes successives, dans lequel un grignotage continu remplace une bonne bouchée » (C. E. LINDBLOM, The policy making process, Englewoods Cliffs, NJ, Prentice Hall, 1968).

Pour LINDBLOM, tout travail politique (ou d'équipes dirigeantes) est sériel, fragmenté, thérapeutique. Les décisions sont prises à la marge, davantage pour résoudre des problèmes que pour exploiter des opportunités. Il n'y a pas toujours « d'objectifs finaux » ou de « coordination d'ensemble ».

A la limite extrême, on trouve le modèle du CARBAGE CAN (où des opportunités rencontrent des gens qui aiment résoudre des problèmes, et vice-versa, selon des rencontres aléatoires telles que ce qu'on trouve dans un bac à ordures).

Selon QUINN, on peut aussi aller vers une logique d'ensemble : « Les décisions internes et les évènements extérieurs finissent par interagir pour créer, parmi l'équipe de direction, un consensus partagé en vue de l'action (...). Les dirigeants guident activement ces courants de décisions et d'évènements en vue d'aboutir, pas à pas, à une stratégie consciente » (J. B. Quinn, Strategies for Change : Logical Incrementalism », Homewood, Ill, Irwin, 1980).

Deux niveaux possibles : un processus permettant de développer la vision stratégique ; un moyen d'amener au jour une vision qui figurait déjà dans l'esprit du stratège.

« Le manager efficace sème le grain de la compréhension, de l'identité et de l'engagement au sein du processus même qui engendre la stratégie, dans le cadre d'une réalisation souple ».

Conseil

Enfin, il faut savoir mettre un peu de décousu dans sa stratégie. Si on reste trop focalisé sur certains objectifs, on se met des œillères (comme pour un cheval qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez, et a besoin de son maître pour se diriger).

« Enfermez une demi-douzaine d'abeilles et autant de mouches dans une bouteille, couchée goulot ouvert et cul tourné vers la lumière. Les abeilles s'entêtent à chercher l'ouverture du côté de la lumière, finissant par mourir d'épuisement et de faim. Elles sont logiques, et même subtiles, dans leur désir d'évasion. Le verre est un mystère qui heurte leur intelligence de la situation. Les mouches, en moins de deux minutes, sont sorties par le goulot. Esprits plus simples, elles volettent à l'aventure, trouvant par hasard l'issue qui va les rendre à leur liberté » (d'après GORDON SIU, dans Peters et Waterman, 1982, p. 108).

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