La méthode dite « classique »
Selon le jeu classique de la négociation, chacune des parties en présence adopte une position, présente des arguments en sa faveur, puis fait des concessions afin de parvenir à un compromis. L'essentiel est que chacun obtienne satisfaction dans les mêmes proportions. Cela demande que les parties se mettent d'accord sur les critères d'évaluation et les arguments qui font poids. Comment pourraient-elles sinon avoir la même appréciation de la situation ?
Cette méthode ne permet pas toujours d'aboutir à un accord judicieux. Car lorsque les négociateurs s'affrontent sur des positions, ils tendent à s'enfermer dans ces positions. Plus on s'acharne à convaincre la partie adverse qu'on ne changera pas sa position initiale, plus on aura effectivement du mal à le faire au moment venu. En fait, plus on se concentre sur les positions en présence, moins on accorde d'attention aux préoccupations qui les sous-tendent, et les chances d'aboutir à un accord s'éloignent d'autant. Et si l'on aboutit tout de même à un accord, le risque est que ce soit seulement une manière de couper la poire en deux plutôt qu'une position judicieuse pour satisfaire les intérêts légitimes des uns et des autres.
Cette méthode a donc une efficacité limitée. Ou bien elle aboutit à la rupture, ou bien pour déboucher enfin sur un accord elle traîne en longueur. Pour augmenter les chances d'aboutir à un accord qui lui soit favorable, chaque négociateur va adopter une position de départ aussi extrême que possible : il va s'y accrocher obstinément, tromper l'adversaire sur ses positions réelles, et ne faire que le minimum de concessions nécessaires pour assurer la poursuite des négociations. Or il est évident que plus la position initiale sera extrême et les concessions minimes, plus il faudra de temps et d'efforts pour découvrir si un accord est au moins possible. D'ailleurs on sait que chaque concession que l'on fait peut amener l'adversaire à augmenter sa pression pour en obtenir d'autres. On n'est donc guère porté à agir vite.
On peut même chercher à prolonger les débats pour créer une sorte de lassitude. Petit à petit certaines propositions deviennent acceptables, alors qu'elles apparaissaient au départ comme inenvisageables. C'est en quelque sorte à force d'en parler et de les entendre qu'on s'y habitue. On concède ainsi sur des petits points. On grignote ici ou là des concessions. On veut donner l'impression qu'il n'y a pas de perdant. De la sorte on ne favorise guère l'expression de solutions créatives.