Le management de la santé au travail

Le travail émotionnel

Il arrive parfois qu'une entreprise demande à ses salariés d'exprimer dans certaines situations tel ou tel type de comportement. Ils doivent adopter certaines attitudes émotionnelles vis-à-vis des personnes avec lesquelles ils se trouvent en interaction dans le cadre de leur travail (leurs collègues, leurs clients ou leurs patients, etc.).

Il est ainsi demandé aux salariés de maîtriser leurs émotions ou d'adopter tel ou tel type de réaction. L'exemple le plus souvent cité est celui des hôtesses de l'air à qui on demande expressément d'être souriantes pour ne pas inquiéter les passagers.

L'intensification du travail peut entraîner pression et surcharge cognitive ainsi que le développement des technologies de communication (e-mail, téléphone portable) qui peuvent obliger à suivre plusieurs séries d'activités en parallèle. Lorsque les capacités pour traiter l'information sont auto-estimées insuffisantes, l'individu se sent débordé, voire noyé, sous la masse de ce qu'il y a à gérer dans la situation, au niveau attentionnel, cognitif ou autre, et cela génère des émotions négatives.

Pour améliorer les situations de travail dans une perspective ergonomique, il est essentiel de cerner quelles sont les sources d'inconfort émotionnel, pour travailler ensuite à améliorer les situations. L'origine de l'inconfort émotionnel est de nature sociocognitive et correspond à des processus que l'on retrouve dans des situations d'activité variées.

Cahour (2010) a identifié plusieurs sources d'inconfort émotionnel qui comptent parmi les principales : la perte de contrôle, la surcharge (notamment attentionnelle), les relations conflictuelles et l'image de soi menacée.

La plupart des gens ont besoin de maintenir une illusion de contrôle. On montre par exemple, que les patients autorisés à appuyer sur un bouton afin de stopper la «roulette » du dentiste restent plus détendus et satisfaits que les autres, mêmes s'ils n'utilisent jamais cette permission.

La perception est malléable et peut être conditionnée par des phénomènes attentionnels. Ceux-ci nous empêchent parfois de voir un changement dans une situation qui nécessiterait une modification du comportement. Certaines personnes peuvent être sanctionnées par les forces de l'ordre parce qu'elles sont engagées dans un sens interdit sur une route pourtant habituelle. Elles seront alors étonnées d'apprendre que cette signalisation était installée depuis plus d'une semaine...

Ce que nous percevons n'est pas la réalité mais une reconstruction de la réalité. Par exemple, après avoir lu la phrase : « attention à la peinture fraîche » certaines personnes ne remarquent pas la faute qui s'y trouve.

Dans son ouvrage fondateur «The Managed Heart» (1983), Hochschild s'intéresse à la question du travail émotionnel, et montre qu'il est possible d'identifier des «règles émotionnelles» («feeling rules»).

Selon lui, gérer les émotions, c'est maîtriser l'intensité (niveau de l'émotion), la polarité (émotion négative ou positive) ou encore la durabilité et le contenu (la nature) de l'émotion dans sa composante la plus élaborée, à savoir la composante expérientielle subjective, c'est à dire ce que les individus éprouvent consciemment, ce qu'ils disent ressentir.

Par « travail émotionnel », Hochschild désigne donc l'acte par lequel on essaie de « changer » le degré ou la qualité d'une émotion ou d'un sentiment. Le travail émotionnel désigne l'effort : « « Je me suis préparé mentalement... J'ai écrasé ma colère... J'ai essayé très fort de ne pas être déçu... Je me suis forcé d'avoir du bon temps...J'ai tenté de me sentir reconnaissant...J'ai détruit l'espoir qui brûlait en moi. » » Il y a aussi la forme passive, par exemple, « « Je me suis finalement laissé aller à la tristesse » ».

Il existe diverses techniques de travail émotionnel.

L'une d'elles est cognitive : c'est la tentative de changer les images, les idées ou les pensées dans le but de changer les sentiments qui y sont rattachés.

Une deuxième est corporelle : c'est la tentative de changer les symptômes somatiques ou d'autres symptômes physiques des émotions (par exemple, essayer de respirer plus lentement, essayer de ne pas trembler).

Troisièmement, il y a le travail émotionnel expressif où il s'agit de tenter de changer d'expressivité pour changer de sentiment intérieur (par exemple, tenter de sourire ou de pleurer). Cette technique se distingue du simple affichage, au sens où elle vise à agir réellement sur le sentiment pour le changer. Elle se distingue du travail émotionnel corporel, au sens où l'individu essaie de modifier ou de façonner l'une ou l'autre des voies de communication classiques qui servent à exprimer les sentiments.

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