Le management de la santé au travail

La prévention des risques psychosociaux

L'évaluation des risques constitue un moyen essentiel de préserver la santé et la sécurité des salariés dans l'entreprise. Le diagnostic doit s'appuyer sur une approche globale et pluridisciplinaire, c'est-à-dire à la fois technique, ergonomique, médicale, psychosociale et organisationnelle. Les risques peuvent trouver leurs origines dans les outils et les équipements, dans les produits employés, ou dépendre de l'activité elle-même (le mode d'organisation, le type de contrat, le style de management, les exigences des clients, l'ambiance de travail).

Pour garantir la pertinence du diagnostic, mieux vaut avoir une approche assez large du risque. Il convient d'identifier les facteurs de danger (de manière objective) mais aussi de tenir compte des problèmes tels qu'ils apparaissent aux salariés.

Sinon le diagnostic nie le réel du travail, celui qui est vécu par les salariés. Il peut même occulter certains symptômes pour lesquels aucun risque n'est perceptible d'emblée. C'est en permettant des confrontations croisées que le gestionnaire des ressources humaines redonne du sens au travail et enrichit ce que les salariés imaginent ou se représentent par rapport à leur travail.

Pour la psychologie clinique du travail, le réel de l'activité c'est aussi ce qui ne se fait pas, ce qu'on cherche à faire sans y parvenir, ce qu'on aurait voulu ou pu faire, ce qu'on pense pouvoir faire ailleurs ou plus tard. Il faut y ajouter ce qu'on fait sans avoir voulu le faire, etc. En bref, les activités suspendues, contrariées ou empêchées, voire les contre-activités, doivent être intégrées dans l'analyse des risques.

Depuis 2001, l'employeur a obligation d'évaluer les risques et de décrire les mesures de prévention qu'il pense mettre en œuvre. Tout cela est formalisé dans le Document Unique d'Evaluation (DUE). Ce dernier n'est pas un simple listing. Il doit rendre compte du contenu réel des situations et de l'organisation du travail, pour réfléchir à la mise en œuvre d'une politique adaptée de prévention.

La responsabilité de l'employeur est élargie à l'obligation de résultats et non plus de moyens. Le CHSCT est associé à cette démarche d'inventaire des risques et d'élaboration des plans d'action pour les prévenir.

Définition

Les risques psychosociaux sont « les risques pour la santé, mentale mais aussi physique, créés au moins en partie par le travail à travers des mécanismes sociaux et psychiques » ( DARES[1], 2010).

Méthode

Étape 1 : Dépister et faire un pré-diagnostic à partir des données existantes dans l'entreprise.

Étape 2 : Mettre en place un groupe-projet.

Ce groupe aura pour objectif d'accompagner la démarche de prévention (information des salariés, participation au choix des outils d'investigation, aide à l'interprétation des données recueillies, élaboration du plan d'action et suivi de l'action). Ce groupe aura d'autant plus de légitimité à agir qu'il comportera des membres de la direction de l'entreprise, des acteurs de la prévention internes (infirmières et/ou médecin du travail, membres du CHSCT ou Délégué du Personnel, fonctionnels de sécurité, etc.) et des salariés des différents services ou catégories de l'entreprise.

Étape 3 : Faire un diagnostic approfondi

A partir des données supplémentaires recueillies à l'initiative de ce groupe projet, un diagnostic approfondi peut être effectué. Il permettra d'identifier les sources de stress et leur importance, ainsi que les secteurs ou les groupes de salariés plus particulièrement concernés. Différentes méthodes complémentaires peuvent être mises en œuvre : questionnaires, entretiens, observations de travail, analyse documentaire, etc. pour garantir l'objectivité de l'analyse, il est intéressant de faire appel à des ressources extérieures (CRAM, ARACT, service de santé au travail ou cabinets-conseils). Une fois le diagnostic réalisé, les résultats seront communiqués aux acteurs de l'entreprise.

Étape 4 : Elaboration d'un plan d'action.

Ce diagnostic permet d'élaborer un plan d'action et de veiller à sa mise en œuvre. La première étape consiste à formaliser les actions à mener (aménagements de poste, nouvelle répartition du travail, etc.) et de dire ensuite comment on va s'y prendre concrètement.

Étape 5 : Suivi et évaluation des actions menées.

La dernière étape consiste à suivre les indicateurs pris en compte en amont, de regarder ce qui a changé, ce qui peut être fait pour aller plus loin ou lutter encore davantage contre les risques ou les dangers.

Complément

Les risques psychosociaux sont analysés à partir de six dimensions :

  • Les exigences du travail recouvrent quatre dimensions :

    • la quantité de travail,

    • la pression temporelle au travail (Est-ce que les professionnels doivent se dépêcher dans leur travail ? Sont-ils souvent interrompus ? Disposent-ils du temps nécessaire pour faire bien leur travail ?),

    • la complexité du travail (est-ce que les professionnels ont à penser à plusieurs choses à la fois ?) et

    • les difficultés de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.

  • Les exigences émotionnelles sont d'autant plus fortes que les professionnels sont en contact avec des clients en souffrance ou en danger.

  • Le manque d'autonomie et de marge de manœuvre qui occasionne du stress selon Karasek.

  • Le manque de soutien social et de reconnaissance au travail. Les rapports sociaux sont analysés à partir de quatre dimensions :

    • la coopération et le soutien social de la part des collègues et de la part de la hiérarchie ;

    • la violence au travail caractérisée par des mises en situation d'agression, d'isolement, de mépris ;

    • la reconnaissance et le sentiment d'utilité du travail effectué ;

    • la qualité du management appréhendée par le prisme de la gestion de la communication en milieu de travail.

  • Les conflits de valeur renvoient à l'état de mal être ressenti par le travailleur lorsque ce qu'on lui demande de faire vient en opposition avec ses normes professionnelles, sociales ou subjectives, compte tenu de la nature du travail à réaliser ou encore du temps et des moyens dont il dispose.

  • L'insécurité de l'emploi réduit le sentiment de maîtrise de la situation ainsi que le sentiment d'estime de soi.

Inventorier les risques ne suffit pas. Encore faut-il bien comprendre les pressions, distorsions et injonctions paradoxales au cœur des fonctionnements collectifs. Comment les salariés font-ils pour gérer les contradictions qu'ils vivent, faire face à ce qui fluctue ou se transforme au delà des cadres habituels de l'action ?

Exemple

Exemples d'indicateurs proposés par l'INRS pour dépister les risques psychosociaux :

  1. Des indicateurs liés au fonctionnement de l'entreprise :

    a. Indicateurs de temps de travail : absentéisme, durée annuelle de travail, travail en horaires atypiques.

    b. Indicateurs des mouvements de personnel : taux de turn-over, solde départs / embauches par an, causes des départs, nombre ou pourcentage de travailleurs extérieurs ou temporaires, existence de postes non pourvus

    c. Indicateurs des relations sociales : représentation du personnel (volume global d'heures de délégation utilisées, nombre de réunions CE et DP par an, moyens et actions du CHSCT...), information et communication internes (nature et périodicité des réunions d'information, organisation des entretiens individuels...), procédures judiciaires en cours, grèves, actes de malveillance authentifiés, actes de violence au travail, nombre de sanctions disciplinaires, plans sociaux passés ou à venir, changement de structure de l'entreprise.

    d. Indicateurs de la formation et de la rémunération : existence d'un système de rémunération dépendant en tout ou partie du rendement individuel, existence d'un système de rémunération dépendant en tout ou partie du rendement collectif, formation professionnelle.

    e. Indicateurs de l'organisation du travail : gestion de la production (processus en flux tendus avec zéro stock, absence de gestion organisée des aléas ou incidents), pauses, contrôle du travail, tâches entrecoupées.

  2. Des indicateurs en santé et sécurité :

    a. Indicateurs d'accidents du travail : fréquence et gravité des accidents du travail, accidents du travail bénins, causes des accidents

    b. Indicateurs des maladies professionnelles : troubles musculo-squelettiques déclarés en maladies professionnelles (TMS), maladies à caractère professionnel (MCP) reconnues en Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP).

    c. Indicateurs de situations graves : suicides ou tentatives de suicides sur le lieu de travail ; suicides ou tentatives de suicides attribués par les collègues et/ou la famille au travail ; harcèlement moral ou sexuel reconnu par la justice ; violence physique d'origine interne ; violence physique d'origine externe.

    d. Indicateurs de situation dégradées de type violences verbales : plaintes de harcèlement moral ou sexuel déposées aux instances judiciaires ; violence verbale ou destruction de matériel d'origine interne ; violence verbale ou destruction de matériel d'origine externe.

    e. Indicateurs de stress chronique : symptômes physiques (migraines, maux de tête), symptômes émotionnels (crises de nerfs ou crises de larmes, sentiments de mal-être ou de souffrance attribuée au travail), recours à des substances psycho-actives.

    f. Indicateurs de pathologies diagnostiquées et prises en charge : hypertension, coronaropathies, diabète ou pré-diabète, troubles lipidiques, troubles musculo-squelettiques, pathologie mentale, infections à répétition, dermatoses, état de stress post traumatique, pathologies de la grossesse, épuisement professionnel.

    g. Indicateurs d'activité du service de santé au travail : passage à l'infirmerie, visites médicales en distinguant les visites (reprises, pré-reprise, spontanées), inaptitudes partielles ou totales, orientations médicales vers un médecin traitant ou spécialisé, demandes d'aménagement de poste, durée moyenne des consultations.

Il est intéressant d'écouter le témoignage de la société FLUNCH qui présente sa politique de prévention des risques psychosociaux :

http://www.travailler-mieux.gouv.fr/Temoignage-de-la-societe-Flunch.html

Ce questionnaire évalue trois dimensions de l'environnement psychosocial au travail : la demande psychologique, la latitude décisionnelle et le soutien social. Il comporte 26 questions (en version courte). Les réponses proposées sont « pas du tout d'accord », « pas d'accord », « d'accord », « tout à fait d'accord », ce qui permet de coter de 1 à 4 et de calculer un score pour chacune des trois dimensions.

L'axe « demande psychologique » regroupe trois sous-axes :

  • quantité – rapidité

    • mon travail me demande de travailler très vite

    • on me demande d'effectuer une quantité de travail excessive

    • je dispose du temps pour exécuter correctement mon travail

  • complexité – intensité

    • je reçois des ordres contradictoires de la part d'autres personnes

    • mon travail me demande de travailler intensément

    • mon travail me demande de longues périodes de concentration intense

  • morcellement – pénibilité

    • mes tâches sont souvent interrompues avant d'être achevées, nécessitant de les reprendre plus tard

    • mon travail est très bousculé

    • attendre le travail de collègues ou d'autres départements ralentit souvent mon propre travail

Le score de demande psychologique est donné par la somme à l'ensemble de ces questions.

L'axe « latitude décisionnelle » regroupe trois axes :

  • latitude ou marges de manœuvre

    • mon travail me permet de prendre souvent des décisions moi-même

    • dans ma tâche, j'ai très peu de libertés pour décider comment je fais mon travail

    • j'ai la possibilité d'influence le déroulement de mon travail

  • utilisation actuelle des compétences

    • dans mon travail, j'effectue des tâches répétitives

    • mon travail demande un haut niveau de compétence

    • dans mon travail, j'ai des activités variées

  1. DARES

    « Les risques psychosociaux au travail : les indicateurs disponibles », décembre, n° 81.

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