Redécouvrir les institutions dans la diversité de leurs rôles, l'approche néo-institutionnelle
Tous les institutionnalismes attribuent un rôle central aux institutions dans les sociétés modernes. Ils étudient le rapport complexe entre les individus et la sphère supra-individuelle dans laquelle ils évoluent. L'approche néo-institutionnelle permet de caractériser le rôle des institutions dans leurs dimensions régulatrice, normative et cognitive.
Ces trois orientations de l'approche institutionnelle donnent une grille de lecture sur la façon dont le cadre institutionnel conditionne le comportement des acteurs en termes de : Régularités des comportements, Homogénéité dans la conduite des acteurs, Réduction de l'incertitude etc...
Remarque :
Elles soulèvent le paradoxe qui consiste à relever que les acteurs sont à la fois autonomes et institutionnellement conditionnés.
Rôle régulateur des institutions | Rôle normatif des institutions | Rôle cognitif des institutions |
| Prescriptions et obligations sociales qui traduisent les valeurs et les normes qui définissent l'ordre du souhaitable.
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Définition :
Partant du postulat que les comportements humains ne sauraient se réduire à de pures logiques de prédétermination et de maximisation des profits, les néo-institutionnalismes insistent :
sur l'importance des cadres cognitifs et culturels ;
sur le rôle déterminant du pouvoir et des conflits ;
et enfin sur le rôle de l'institution comme lieu de routinisation et de normativisation des comportements.
Complément : Aller plus loin
« L'horizon théorique néo-institutionnaliste attribue un rôle central aux institutions pour la compréhension des phénomènes sociaux, économiques, politiques, culturels et pour la reconstruction du rapport complexe entre les individus et la sphère supra-individuelle. Les différentes versions de l'institutionnalisme s'accordent sur le fait que les institutions contribuent à la définition de profondes régularités dans le comportement des individus en réduisant l'incertitude et en rendant plus prévisibles les phénomènes sociaux, économiques, politiques et culturels. En outre, les divers courants d'analyse montrent comment les institutions sont le résultat de l'interaction humaine, tout en essayant d'expliquer pourquoi des individus autonomes sont si profondément conditionnés, dans leurs choix, par des cadres institutionnels qu'ils ont eux-mêmes contribué à créer. Au-delà de ces éléments d'interprétation communs, il existe au sein des approches néo-institutionnalistes de profondes divergences qui reposent sur des différences d'analyse par rapport aux mécanismes de genèse des institutions, sur le niveau de conditionnement qu'elles exercent sur les comportements individuels et collectifs, sur leur caractère malléable et changeant ou, au contraire, sur leur viscosité et leur inertie. Trois orientations principales se disputent le champ : l'approche régulatrice, qui fait référence à la capacité des institutions elles-mêmes à établir des règles et à exercer des contrôles afin que les individus s'y conforment, l'approche normative qui porte son attention sur l'ensemble des règles qui introduisent dans la vie sociale des prescriptions et des obligations sociales, et enfin l'horizon cognitif que conçoit les institutions comme des appareils supra-individuels, tendanciellement stables qui structurent et canalisent l'action individuelle en fournissant aux acteurs des ressources et des freins.
»
Roberto Rizza, Néo-institutionnalisme sociologique et nouvelle sociologie économique : quelles relations ?, Revue Interventions économiques [En ligne], 38 | 2008, mis en ligne le 01 décembre 2008.
On peut aussi observer comment des dispositifs organisationnels s'institutionnalisent et faire apparaître le processus par lequel les actions deviennent évidentes (des allants de soi), comment se forme le consensus sur "ce qui a du sens". C'est sur la base de ce processus qu'on constate l'homogénéité des pratiques et des dispositifs qu'on peut qualifier d'isomorphisme institutionnel.
Complément : Aller plus loin
« Le néo-institutionnalisme dans la théorie des organisations et la sociologie englobe à la fois un rejet du modèle de l'acteur rationnel, un intérêt pour les institutions comme variables indépendantes, un déplacement vers des explications culturelles et cognitives, et un attrait pour les propriétés d'unités d'analyse supra-individuelles qui ne peuvent être réduites à des agrégations ou aux conséquences directes d'attributs ou de mobiles individuels. Dans la tradition sociologique, l'institutionnalisation est à la fois «un processus phénoménologique par lequel certaines relations sociales et actions deviennent évidentes» et un état de choses dans lequel des connaissances partagées définissent «ce qui a du sens et les actions qui sont possibles »
(Zucker, 1983).
« Le néo-institutionnalisme dans l'analyse organisationnelle prend comme point de départ la saisissante homogénéité des pratiques et des dispositifs que l'on trouve sur le marché du travail, dans les écoles, les Etats et les firmes »
(DiMaggio etPowell, 1991 ; Meyer et Rowan, 1991).« Le caractère constant et répétitif d'une bonne part de la vie organisationnelle ne s'explique pas simplement ici en référence à la maximisation de leurs préférences par des acteurs individuels mais davantage au travers d'une analyse qui situe la persistance des pratiques à la fois dans leur caractère doxique, et dans leur reproduction dans des structures qui sont d'une certaine façon auto-entretenues. »
Di Maggio Paul J., Powell Walter W. Le néo-institutionnalisme dans l'analyse des organisations. In: Politix. Vol. 10, N°40. Quatrième trimestre 1997. pp. 113-154. doi : 10.3406/polix.1997.1703
URL : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_1997_num_10_40_1703
Les institutions comme les organisations sont pareillement mues par une quête de légitimité qui explique à la fois leur stabilité et leur capacité à changer.
Complément :
« DiMaggio et Powell affirment la prégnance de l'isomorphisme institutionnel. Les organisations entrent non seulement en concurrence pour des ressources et des clients mais sont mues par la recherche de pouvoir et de légitimité. Pour gagner cette légitimité, les organisations inventent des mythes sur elles-mêmes, s'adonnent à des activités symboliques et créent des histoires, ce qui participe à leur survie et à leur propre institutionnalisation. »
Pour aller lire dans Les grands auteurs en management, 2ème édition, EMS, Collections les grands auteurs, 2009
Isabelle Huault, pp 119-133, Paul DiMaggio et Walter W.Powell Des organisations en quête de légitimité p. 124.
Rappel :
A l'issue de cette première partie, rappelons que la distinction entre institutions (valeurs, stabilité, dimension collective très largement partagée) et organisation (buts, arrangements particuliers, non pérennes) constitue une grille de lecture intéressante mais qui résiste difficilement à l'expérience.
On constate de fait que les institutions peuvent adopter des comportements organisationnels (selon l'extension du modèle légal-rationnel de la bureaucratie), tout comme les organisations peuvent se comporter comme des institutions par leur quête de légitimité et leur capacité à normaliser la conduite des acteurs. L'approche néo-institutionnelle est particulièrement adaptée pour faire apparaître la complexité de leurs liens.