Introduction au management des universités

Pourquoi parler de gouvernance ?

Dans les théories actuelles de la gouvernance, la décision n'est plus la propriété ou le pouvoir de quelqu'un. « C'est une négociation permanente entre des acteurs sociaux, constitués en partenaires d'un vaste jeu qui peut être une entreprise, une organisation, un Etat ou un problème à résoudre. » Moreau Defarges, 2003.

De nos jours, le développement des discours de gouvernance vise à tenir compte du grand nombre d'acteurs impliqués dans les orientations, décisions et fonctionnements collectifs des organisations. On cherche donc à organiser les transactions entre ces différents acteurs, pour leurs donner des places utiles et compatibles entre elles en évitant tout excès.

Mais la gouvernance (répartition des rôles, statuts et affectations politiques d'acteurs) n'est pas suffisante en soi. Il faut la relier à des logiques d'organisation et de décision. C'est alors seulement qu'on peut rendre efficace l'action stratégique en rapport avec des outils de gestion, les acteurs présents et les ressources matérielles disponibles.

Voici une typologie des formes de gouvernance dans les organisations (adaptée de CHARREAUX, 1996).

Mécanismes spécifiques

Non spécifiques

Mécanismes intentionnels

  • Tutelle politique

  • Conseil d'administration (et conseils complémentaires)

  • Structure de fonctionnement telle qu'instituée par les conseils

  • Procédures internes de contrôle

  • Environnement légal et réglementaire (LOLF, LRU, décrets divers)

  • Syndicats

  • Systèmes d'audit ou de coordination (CPU, AMUE, AERES, etc.)

Mécanismes spontanés

  • Surveillance réciproque des acteurs

  • Réseaux informels

  • Culture d'ensemble

  • Marchés et systèmes concurrentiels

Concrètement, toute forme de structuration, tout assemblage de procédures, tout appui sur un conseil ou des injonctions interprétées de la part d'une tutelle sont des formes de gouvernance, c'est-à-dire d'agencement des pouvoirs.

La gouvernance visible (intentionnelle, spécifique) fait aussi flèche de tout bois, en s'appropriant si besoin des éléments spontanés ou non spécifiques à l'intérieur de l'université ou en dehors.

Complément

En général, dans le secteur public, les acteurs se définissent par rapport à une légitimité construite au cours du temps. Les universités se sont habituées à fonctionner comme des institutions, décrites par des valeurs, des normes et une sorte de mission publique quasiment sacrée dont les enseignants chercheurs s'estiment les garants. Par exemple, le savoir est censé se construire dans une forte indépendance à l'égard des environnements politiques, économiques ou sociaux - ce que dénoncent pourtant les récentes sociologies de la connaissance. Les enseignants chercheurs jugent avoir l'entière maîtrise de leur discipline. Ils n'en rendent compte qu'à leurs pairs en fonction de leur propre code déontologique.

Or les réformes en cours touchent à cette image identitaire. Elles contribuent au déclin de l'institution sacralisée (DUBET, 2002), en imposant une vision d'efficacité transversale qui conteste les monopoles interprétatifs territoriaux de ce qu'on estime juste d'être ou de faire. Aux institutions traditionnelles (l'université, l'hôpital, la justice), on exige des résultats ou des orientations discutés avec d'autres acteurs publics (tels la représentation nationale, les ministères et un certain nombre d'instances d'évaluation externe).

Le conflit entre modèles de légitimité est important, car il fait évoluer les enjeux et les structures de la gouvernance. Obliger les universitaires à penser leur action à travers de nouvelles grilles, par exemple en introduisant une logique de coûts, en acceptant la sélection des étudiants, en reconnaissant la pluralité de leurs métiers, en ayant des réponses concrètes et variées face à la réalité sociale multiforme, tout cela est une occasion potentielle de souffrance. L'idéal professionnel est parfois blessé. Mais, parfois, il faut savoir renoncer à certaines valeurs ou, tout au moins, les repenser avec plus de justesse en fonction du présent.

Ces changements, du moins, devraient se construire dans le débat et l'échange, pour éviter que les acteurs se sentent punis, agressés ou désenchantés (DUBET, 2009). Il est toujours plus facile de faire bouger du dehors, quand on n'est pas dans les contraintes de l'action, quand on n'est pas soi-même à l'intérieur des représentations collectives d'un fonctionnement par nature complexe.

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