Introduction au management des universités

Différenciation et intégration

Paul LAWRENCE et Jay LORSCH sont les auteurs d'un ouvrage qui a connu, dès sa parution en 1967, une grande notoriété. Son titre français est " A dapter les structures de l'entreprise, intégration ou différenciation ". Pour eux, la structure formelle est une variable dépendante de la stratégie choisie par l'organisation, mais aussi de son environnement, de ses technologies et de sa complexité interne.

Définition

Dans leur enquête, ils se sont basés sur deux idées :

  1. à l'intérieur d'une même entreprise, différents types d'organisation sont nécessaires pour faire face à différents marchés et tenir compte des variations technologiques ;

  2. les organisations qui fonctionnent dans un environnement incertain et instable doivent disposer d'un plus haut degré de différenciation interne, par exemple entre leurs services. Chaque service doit s'adapter à son propre environnement.

Les caractéristiques de différenciation sont la nature des objectifs (plus ou moins précis), la réactivité temporelle des environnements (à court, moyen ou long terme), les relations interpersonnelles (centrées sur les tâches ou les compétences) et le plus ou moins grand formalisme des interactions (en termes de règles et de contrôle).

Sur le fond, chaque organisation est un système proactif qui cherche à s'adapter à la complexité de son environnement par la différenciation et l'intégration de ses différents éléments constitutifs. Aucune structure n'est en soi meilleure qu'une autre. Son efficacité dépend des réalités concrètes du moment.

Plus l'incertitude environnementale augmente, plus une organisation doit accepter que ses services se diversifient. Parallèlement, plus elle doit mettre en place des procédures d'ajustements interservices pour intégrer l'ensemble.

Dans un contexte où les moyens de parvenir à de bons résultats dépendent d'adaptations toujours plus fines, il est essentiel de concevoir une organisation comme un système à contrôle et régulations multiples, sans obligation de les homogénéiser. Ce qu'il faut, c'est que chaque sous-ensemble parvienne à se faire comprendre de l'autre, d'où l'importance de construire des instances intermédiaires qui soient plutôt des logiques de régulation conjointe que des réponses dépendantes à une direction centralisatrice.

Attention aussi au façonnage indirect par des réglementations, des procédures et autres directives de gestion qui peuvent briser les ajustements locaux.

LAWRENCE et LORSCH montrent qu'une structure de régulation trop proche d'un des sous-ensembles constitutifs d'une organisation à structures diversifiées crée problème. Car la régulation devient partiale et ne peut plus fonctionner comme instance d'équilibration.

Appliqué aux universités, cela montre l'importance de différencier l'organisation universitaire en fonction des activités, des débouchés et des réseaux propres à chaque composante. Cela varie selon les types de missions : en recherche, en formation, dans les rapports actifs avec l'environnement local.

Dès lors, cela entraîne des complexités de régulation, qui ne peuvent ni être l'homogénéisation, ni la centralisation décentralisée, ni le cadrage à un seul niveau des interactions. Il serait dangereux d'imposer un cadrage global trop strict, avec des indicateurs simplifiés et une lecture à faible variété des résultats organisationnels.

Mieux vaut lire ex post les résultats en faisant valoir des bénéfices stratégiques que de cadrer l'action a priori en limitant ou en bornant les besoins spécifiques d'adaptation.

Complément

Soit on considère les universités comme des « centres convergents (ou fortement compatibles) de programmes en matière de science et de diffusion de connaissances », et alors on les homogénéise (regroupements) avant d'attendre d'eux des objectifs et des actions unifiées (dans le cadre de « contrats d'objectifs et de moyens » (voir III.2).

Soit on accepte leur caractère composite, mais on les laisse s'organiser et on se garde alors de leur demander des simplifications.

Par exemple, une université conglomérat de sciences et sciences sociales, où les enjeux et les pédagogies sont très différents, ne peut pas cumuler ses effectifs et être évaluée sur une homogénéisation de ceux-ci (avec coexistence de forts sureffectifs et de sous-effectifs patents dont on déclare qu'ils devraient se compenser). Stratégiquement, c'est absurde. Et il n'est pas normal de s'en tirer par des redéploiements internes, qui favorisent les inimitiés de partenaires potentiels.

Lorsqu'une université étend son territoire d'action, lorsqu'elle amplifie ses exigences compétitives, elle augmente son degré de complexité. Il lui faut à la fois se diversifier et réajuster sa cohérence d'ensemble. Toute organisation est un lieu politique, où sont en jeu les entités individuelles, les potentiels en présence, les environnements influents et les inflexions organisationnelles possibles en matière d'action.

La tendance de certaines équipes « trop homogènes » est de se replier sur leur propre système de représentation, en confondant rationalité d'ensemble et raisonnement dans un cadre interprétatif donné.

Pour y échapper, elles doivent s'ouvrir à des représentants de façons de penser complémentaires au sein de l'organisation d'ensemble (par exemple, des acteurs-clefs des composantes à fortes spécificités). Ceux-ci leur « ouvre l'esprit » à leurs propres contraintes et à leurs « raisons stratégiques ». C'est un moyen de prendre en compte la diversité, en l'intégrant à la politique générale de l'établissement.

Il faut trouver un équilibre entre l'empilement des démarches individuelles et l'obligation d'uniformité. Rien n'empêche de construire des mises en cohérence, à condition qu'elles respectent les autonomies locales, les compétences de terrain ou les stratégies de domaine, et qu'elles s'adaptent aux caractéristiques des composantes qu'elles cherchent à intégrer.

Méthode

Voici un modèle construit sur l'arbitrage entre un besoin de regroupement (pour réduire les coûts) et une adaptation aux spécificités locales (pour être en contact utile avec les usagers, les clients ou les environnements relationnels utiles) :

Forts besoins de regroupement (pour réduire les coûts)

Besoins de regroupement modéré (pour optimiser ce qui peut l'être)

Besoins d'adaptation locale modérés

Concentration, mise en cohérence de pratiques, fusion ou unification de structures

Arbitrages selon les opportunités

Besoins modérés mais tensions entre acteurs

Réorganisations qui prennent en compte les clivages en évitant d'attiser les conflits

Dispositifs pour séparer les acteurs en tension et optimiser leurs apports spécifiques

Forts besoins d'adaptation locale

Autonomisation des sous-ensembles (composantes, instituts, laboratoires) mais forte incitation à partager des outils ou des méthodologies transversales

Forte autonomisation des composantes

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