Les effets liés aux contextes du changement
Tout changement organisationnel entraîne aussi des transformations sociales.
Ses effets dépendent des enjeux en présence, tels les intérêts des acteurs (ou des groupes d'acteurs), les valeurs qu'ils défendent ou leurs capacités d'influence. Les dirigeants eux-mêmes doivent arbitrer entre des rationalités multiples (par exemple entre l'optimisation technique et la rentabilité économique, entre la quantité et la qualité, entre l'innovation majeure – à fort potentiel et grand risque, et l'adaptation mineure – moins risquée mais à faible ambition, etc.).
L'évolution technique façonne le travail, mais selon des critères qui interprètent à leur façon des notions ambiguës comme la productivité, la performance ou la valeur ajoutée collective.
Des restes de taylorisme se mêlent à l'ingénierie organisationnelle, au contrôle qualité ou au management participatif. Bien des sociologues ont constaté l'hétérogénéité des entreprises, celles-ci laissant coexister plusieurs modèles de référence en conflit.
Il est donc difficile d'analyser un changement sans revenir aux écarts (contextuels) avec ce que ses promoteurs en espéraient (au nom d'anticipations, de calculs appliqués ou de normes habituellement développées en gestion).
Au delà des objectifs décidés par l'organisation (ou par certains acteurs), il faut tenir compte du contexte et des moyens supposés disponibles, mais aussi des contraintes (en termes de budget, de temps, d'injonctions externes, de règles et obligations internes, etc.).
Complément :
Plus profondément, il est difficile de distinguer entre changement réel et changement perçu.
Même objectivé par des ratios, des constats ou des observations matérielles, le changement s'analyse toujours sous un certain point de vue.
On peut le lire comme une amélioration de résultats (en rapport avec des objectifs préalables), comme une production de nuisances ou d'aspects négatifs latents (en liaison avec des coûts cachés), mais aussi comme un ensemble d'apports contrastés (en relation avec une grille d'évaluation multicritère).
Toute interprétation s'appuie sur des modèles d'analyse (pas toujours explicités).
En outre, les acteurs locaux découvrent des utilisations nouvelles et déplacent le champ d'analyse
Voilà pourquoi tout changement technique est aussi un bricolage d'acteurs locaux, avec des aspects matériels et symboliques. C'est un processus de recherche-action où la technologie bouscule les ordres antérieurs, dans un contexte qui se réordonne de l'intérieur à travers ses usages.
En définitive, tout changement réussi se construit à travers un espace transitionnel (Winnicott, 1975), capable de donner de l'ouverture à des modes de fonctionnement déjà structurés (par exemple en apportant un peu de liberté ou de confiance aux interactions entre les acteurs en présence).
