Les rythmes du changement
La manière dont on gérer les temps de changement a beaucoup d'importance. Par exemple, en laissant une certaine durée d'adaptation, on facilite les apprentissages psychologiques, mais on peut aussi prendre du retard face aux besoins opérationnels. On évite certains conflits ouverts, mais on permet aux malins de mieux organiser la résistance.
Pour éviter de trop traîner ou de tergiverser, les dirigeants sont en quête de modèles qui permettent d'aller plus vite et de devenir rapidement performant. C'est toujours possible (en tout cas, il y a des dirigeants pour le croire et des consultants pour le vendre), mais pas aux dépens d'une certaine gestation des choses (à l'intérieur des personnes et dans l'organisation).
Comme dit le proverbe africain, on ne peut demander à neuf femmes de mettre un mois pour un enfant.
Complément :
Les changements les mieux acceptés sont progressifs. Plus c'est doux, moins on voit que ça change (du moins on n'en souffre guère). Mais dans une période où il faut se dépêcher, devancer, surprendre, il est difficile d'échapper aux crises, c'est-à-dire aux décalages entre la réalité (ce qui se passe) et les systèmes de représentations (ce qu'on peut en vivre ou en penser).
Normalement, le changement naît d'ajustements répétés entre les choses qu'on espère (futur projeté), celles qu'on perçoit aujourd'hui (présent imaginé) et la réalité au-delà de ce qu'on en pense.
Il y a des différences de rythmes selon les endroits et les phases de l'action.
Cela entraîne une double hétérogénéité qu'il faut réduire avec le temps :
Tout d'abord, un changement n'a pas la même forme ou la même intensité selon les endroits où il se propage. Il dépend, d'un lieu à l'autre, de l'accueil psychologique des acteurs et de leurs types d'acceptation. Souvent aussi, ce que les promoteurs du changement annoncent au début (par conviction idéologique) s'oppose en partie à ce qui se fait vraiment (par contrainte tactique). Beaucoup de débuts avec des promesses de faire participer tout le monde évoluent vers un processus passif ou quasi-forcé, faute d'avoir vraiment joué le jeu démocratique prévu au départ (pour aller plus vite, parce qu'on a trouvé les échanges trop lents ou qu'on a voulu détourner les contestations).
Grâce aux nouvelles techniques de communication, on arrive à perturber les déroulements chronologiques. On peut comprimer certains processus et brouiller les séquences temporelles. Ce temps à géométrie variable affecte aussi les changements, car il rend plus flexibles les jeux d'acteurs, les objectifs et la structuration des contraintes.