Introduction au management des universités

Deux autres exemples de modèles de décision

Pour ceux qui veulent approfondir les systèmes de décision dans l'université, voici deux autres modèles utilisables : le GARBAGE CAN (ou modèle de « la poubelle ») et le SURCODE de SFEZ.

ComplémentLe modèle du GARBAGE CAN

Dans le modèle du GARBAGE CAN, des « solutions » possibles rencontrent (par hasard, par occasion, par proximité) des « problèmes » en attente de traitement (ou de visibilité).

Un peu comme dans une poubelle : la bouteille de lait voisine avec les notes du cours de sociologie, le stylo avec le papier gras.

Prenons un exemple cité par MARCH (le chercheur qui a diffusé ce modèle). Un service d'études, dans une entreprise, n'a pas dépensé son budget en fin d'année. S'il ne le fait pas, son budget sera réduit l'an prochain. Le service imagine le lancement d'une campagne de communication pour « améliorer l'ambiance ». Intéressée par cette initiative, la direction de l'entreprise la juge soudain prioritaire et supprime, pour l'étendre à toute l'entreprise, de nombreux projets proposés initialement par les autres services.

Voici une autre anecdote. Des enseignants d'une école d'ingénieurs lyonnaise souhaitent réaliser un petit Guide de préparation des élèves ingénieurs aux stages industriels. Ils obtiennent le financement, par deux agences étatiques de conseil aux entreprises, d'un groupe de travail pour réfléchir au produit et l'élaborer. Dans ce groupe, certains sont chargés de mission dans les agences et souhaitent voir leur travail reconnu et valorisé. Deux ans plus tard, un Manuel de 158 pages serrées voit le jour. Trop volumineux, il ne peut être diffusé aux élèves ingénieurs. Par contre, il intéresse les enseignants. C'est ainsi qu'un « problème » (un Manuel pour les enseignants) a rencontré une « décision » (écrire un petit Guide), sans que celle-ci n'atteigne sa cible (il n'y a toujours pas de petit Guide) et sans que le « problème » des enseignants n'ait fait l'objet d'une « décision ». Voilà bien une rencontre aléatoire de problèmes et de solutions.

Le modèle de la poubelle incite à ne pas surestimer la rationalité des décideurs. Il pousse à rester modeste, à prendre en compte les aléas et à intégrer au mieux les évènements perturbateurs. Or, subtilement, il montre qu'on peut résoudre des questions nouvelles ou trouver des opportunités d'action quand on dispose de ressources (ou qu'on en récupère par une bonne gestion).

Complément

Lucien SFEZ appelle SURCODE le fait de croiser diverses interprétations pour représenter un même aspect du monde réel.

Les statisticiens savent qu'il existe a priori une infinité de façons différentes, toutes correctes sur le plan formel, de coder des activités économiques, des produits, des métiers etc. Le respect des règles formelles (cohérence, complétude etc.) ne suffit donc pas à définir le codage : il doit répondre aussi et surtout à un critère de pertinence, d'adéquation à ce qu'on souhaite faire, car on code selon ses intentions d'action.

Souvent, pour définir complètement un code, il faut savoir faire quelques choix de pure convention. Deux institutions, qui n'ont pas les mêmes objectifs ou les mêmes conventions, peuvent coder les mêmes choses de façon différente. Pour que l'une puisse réutiliser les données codées par l'autre il faut définir des tables de traduction qui, le plus souvent, sont approximatives.

Pour le dire autrement, un même réel peut être analysé selon différentes interprétations, travaillé par plusieurs technologies, traversé par de multiples enjeux. Ces interprétations, technologies, enjeux sont portés par des individus ou des groupes qui vont donc s'opposer ou se distinguer dans leur vision globale du réel considéré.

Créer une « histoire convergente », une « métaphore rassembleuse », un texte de conciliation (tel un « projet d'établissement »), c'est construire un SURCODE permettant de relier les différentes versions dans un tout compatible avec l'action collective et dont les résultats vont répondre, pour partie en tout cas, à chacune des versions.

Dans cette hypothèse, il s'agit d'un SURCODE portail (renvoyant à des intérêts séparés) ou de distribution (équilibrant différents enjeux). C'est encore mieux si le surcode crée de l'interprétation partagée en dépassant les approches hétérogènes ou conflictuelles. On pourrait appeler cela un SURCODE qui transcende les significations partielles (comme la théorie du « dépassement » dans la dialectique hégélienne).

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