Remarques sur l'articulation et la succession des écoles ou courants en théorie des organisations
Il existe des relations de différente nature entre écoles ou courants en théorie des organisations. Ces courants se chevauchent dans le temps, s'opposent, se complètent, appartiennent parfois à une même famille d'idées ou de représentations de l'organisation.
Certaines écoles paraissent en opposition plus ou moins tranchée, par exemple :
le mouvement des « relations humaines » est souvent présenté comme venant s'opposer à la théorie classique. En fait, il s'agit davantage d'une relation de complémentarité dans la mesure où les représentants de ce mouvement ne s'opposent pas véritablement aux principes d'organisation des théoriciens classiques mais viennent en souligner l'incomplétude et proposent des compléments en attirant l'attention des organisateurs sur la nécessaire prise en compte des besoins de reconnaissance des personnels en situation de travail.
L'école socio-technique, en revanche, s'oppose clairement aux principes d'organisation du travail exprimés par l'approche taylorienne.
Le courant actionniste s'oppose, d'un point de vue épistémologique, au structuro-fonctionnalisme qui sous-tend un certain type d'approche systémique et notamment la théorie de la contingence structurelle.
La théorie néo-institutionnelle d'inspiration sociologique développe des thèses qui viennent contester celles portées par le néo-institutionnalisme économique représenté par la théorie de l'agence ou la théorie des coûts de transaction.
Les courants critique et post-moderniste sont également dans une attitude d'opposition à bon nombre de courants qui les précèdent.
Certaines écoles en inspirent d'autres ou constituent un cadre général dont se saisissent différentes théories. C'est le cas, par exemple, de l'approche systémique qui constitue le cadre de référence de courants comme la théorie de la contingence structurelle ou comme l'école socio-technique.
Il existe également des courants qui peuvent s'interpréter comme des essais de synthèse ou comme des mobilisations pragmatiques d'idées puisées à différentes sources. Par exemple, l'école néo-classique prend en compte les apports de l'approche systémique, du courant « ressources humaines », voire de l'école dite Carnegie.
Tel ou tel courant peut aussi correspondre à l'approfondissement ou au prolongement d'un autre qui l'a précédé. Par exemple :
le courant « ressources humaines » prolonge le mouvement « relations humaines » en approfondissant l'étude des motivations des individus au travail. Aux besoins d'estime et de reconnaissance, ce courant ajoute notamment les besoins d'accomplissement ou de réalisation de soi ;
la théorie des configurations structurelles est souvent présentée comme le prolongement de la théorie de la contingence structurelle. En fait, cette interprétation mériterait d'être nuancée dans la mesure où la théorie des configurations véhicule une vision de la dynamique des organisations différente de celle qui est nourrie par la théorie de la contingence.
Tout en apparaissant comme des approches distinctes, certaines écoles partagent des conceptions du même ordre sur certains sujets. C'est ainsi, par exemple, qu'il est courant de rassembler la théorie de la dépendance en ressources et la théorie de l'écologie des populations sous la même appellation d'école du contrôle externe.
Enfin, avec le temps, des écoles qui se sont présentées comme clairement distinctes peuvent avoir tendance à se rapprocher. L'écologie des populations, la théorie de la dépendance en ressources, mais aussi la théorie institutionnelle d'inspiration sociologique, voire la théorie des coûts de transaction, apportent chacune à leur façon une contribution à une conception évolutionniste des organisations.
Au-delà des relations qui peuvent ainsi exister entre écoles de théorie des organisations, une analyse plus complète de la dynamique de cette discipline supposerait également de souligner l'importance de certains auteurs qui ont joué un rôle de précurseur et ont inspiré différents courants, sans pouvoir être véritablement clairement répertoriés dans l'un ou l'autre de ces derniers.
Les organisations suscitant l'intérêt de nombreux théoriciens appartenant à des disciplines différentes, on ne peut reprendre ici toutes les sources d'inspiration. Voici cependant quelques exemples d'auteurs qui ont joué ce rôle de précurseur ou ce rôle charnière :
Max Weber (1864-1920)
La principale contribution de M. weber, l'un des pères des sciences sociales, est d'avoir développé une théorie de la rationalisation de la société. Introduisant une distinction entre quatre types de rationalité (formelle, substantive, théorique et pratique), il montre que la rationalité formelle, celle qui consiste à décider des actions par référence à des règles abstraites, des lois, des formes de régulation de portée universelle, est un produit distinctif de l'Occident et qui tend à le dominer.
Dans le domaine du management ou de l'organisation, M. Weber est bien connu pour son travail sur la bureaucratie dont il fait la théorie.
La théorie de la bureaucratie de M. Weber s'inscrit dans une théorie générale du pouvoir et de la domination visant à expliquer ce qui peut conduire des individus à des attitudes et des comportements d'obéissance aux ordres ou aux instructions qu'ils reçoivent. M. Weber identifie trois formes fondamentales de domination ou d'autorité :
la forme charismatique : celle qui est liée aux qualités exceptionnelles d'un individu
la forme traditionnelle : celle qui est liée au respect des coutumes, des usages, des routines héritées des anciens
la forme rationnelle-légale : celle qui est basée sur la règle, établie pour un but, la légalité des ordres et la légitimité de ceux qui les donnent.
La théorie de la bureaucratie de M. Weber s'inscrit dans une théorie générale du pouvoir et de la domination visant à expliquer ce qui peut conduire des individus à des attitudes et des comportements d'obéissance aux ordres ou aux instructions qu'ils reçoivent. M. Weber identifie trois formes fondamentales de domination ou d'autorité :
la forme charismatique : celle qui est liée aux qualités exceptionnelles d'un individu
la forme traditionnelle : celle qui est liée au respect des coutumes, des usages, des routines héritées des anciens
la forme rationnelle-légale : celle qui est basée sur la règle, établie pour un but, la légalité des ordres et la légitimité de ceux qui les donnent.
Le modèle bureaucratique d'organisation est celui où domine la forme rationnelle-légale d'autorité. Dans ce type d'organisation, les règles structurent la hiérarchie, dans une logique impersonnelle de séparation entre les règles et les personnes qui les administrent et les appliquent. Le caractère légitime de l'action est strictement défini par le cadre rationnel-légal ; aucun acteur (qu'il s'agisse d'employé, de responsable, de client) ne peut exercer un pouvoir légitime en dehors de ce cadre.
Pour M. Weber, l'organisation moderne diffère des formes antérieures d'organisation précisément à cause de la rationalisation de l'autorité et de la légalité. L'impersonnalité, la stricte observance des règles, le traitement impartial des personnes (employés et clients), sont des traits fondamentaux de l'organisation bureaucratique.
M. Weber présente le modèle bureaucratique comme un type idéal, au sens de type pur, c'est-à-dire une combinaison d'éléments abstraits que l'on ne retrouve pas nécessairement en l'état dans la réalité. En même temps, il le propose comme le plus efficace et le plus équitable dans la société moderne, une forme d'organisation constituant une innovation sociale majeure, essentielle pour l'expansion du capitalisme industriel et la traduction de buts sociaux et économiques essentiels comme le progrès, la méritocratie et l'égalitarisme. En ce sens, la bureaucratie coïncide avec l'avènement de la modernité.
Complément :
Pour une introduction à la sociologie de M. Weber, consulter S. Kalberg, Les valeurs, les idées et les intérêts, éditions la découverte, Paris 2010.
Talcott Parsons (1902-1979)
Ce sociologue américain est à l'origine de l'application du concept de système au domaine du social. Dans ses écrits, il met l'accent sur la nature de l'ordre dans la société et sur la façon dont ses différents éléments remplissent une fonction. De ce fait, il est considéré comme le père du structuro-fonctionnalisme qui repose sur l'idée que la société a une existence concrète, réelle, et possède un caractère systémique qui contribue à produire un état ordonné et régulé. Il est alors possible d'élaborer une science objective, le scientifique étant distancié de ce qu'il analyse grâce à une méthode rigoureuse.
Ce paradigme sous-tend nombre de courants en théorie des organisations, plus particulièrement la théorie de la contingence structurelle.
Mary Parker Follett (1868-1933)
M.P. Follet est un auteur charnière entre l'école classique et l'école des « relations humaines », voire celle des systèmes sociaux. Elle apporte à l'étude du management et de l'organisation les concepts qu'elle a développés en tant que spécialiste de sciences politiques et l'expérience qu'elle a acquise en matière de gestion d'organismes sociaux.
Accordant une importance exceptionnelle pour son époque aux problèmes psychosociologiques, elle est la première à s'intéresser aux questions de pouvoir et de conflit dans l'organisation.
Pour elle, le conflit est un phénomène normal, une réalité permanente, qu'il convient de résoudre en privilégiant la méthode d'intégration des points de vue en une situation nouvelle, plutôt que par voie de compromis, de marchandage, ou de domination d'une partie sur les autres.
Quant au pouvoir, M.P. Follett en développe une analyse originale en posant qu'il ne peut y avoir de pouvoir efficace « sur » mais seulement un pouvoir « avec ». En d'autres termes, le pouvoir se développe en commun. Le pouvoir hiérarchique, celui du seul manager, doit céder la place à la « loi de la situation ».
Chester Barnard (1886-1961)
Homme d'affaires américain et dirigeant expérimenté, c'est un pionnier de la théorie des organisations et de l'analyse du leadership. Ses conceptions ont eu une influence majeure sur la pensée managériale.
Sa principale contribution est d'avoir élaboré une théorie du comportement coopératif dans les organisations formelles. Pour lui, une organisation est un système social dynamique, un système coopératif, combinant des processus formels et informels. L'organisation doit être gérée de façon à atteindre le but pour lequel elle a été créée, mais aussi de façon à satisfaire les besoins des personnes qui l'ont rejointe.
Le rôle des dirigeants est :
de définir la finalité de l'organisation en prenant en compte les exigences changeantes de l'environnement externe et interne ;
de façonner les valeurs et la culture de l'organisation ;
d'établir le système de communication ;
d'élaborer un système approprié d'incitations pour le recrutement et la conservation des personnels ainsi que pour assurer leur engagement au service de l'objet commun de l'organisation. La survie de cette dernière dépend en effet de sa capacité à capter et sécuriser les contributions de ses membres, c'est-à-dire à obtenir leur coopération.
C. Barnard ne peut être clairement rattaché à aucun courant précis. Au contraire, on peut considérer qu'il inspire différentes écoles, celles qui prennent en compte les aspects informels de l'organisation, sa composante culturelle, mais également l'école décisionnelle dans la tradition « Carnegie », voire la théorie dite des parties prenantes puisqu'il invite à s'intéresser non seulement aux acteurs internes de l'organisation mais aussi aux acteurs externes (actionnaires, clients, fournisseurs, communauté locale) qui jouent un rôle en matière d'accomplissement de l'objet de l'organisation.
Emile Durkheim (1858-1917)
Sociologue français, Emile Durkheim élargit notamment le concept de division du travail de l'économiste Adam Smith au-delà des organisations manufacturières en parlant de la division du travail social.
Il introduit également la distinction entre aspects formels et informels des organisations et insiste sur la nécessité de prendre en considération les besoins sociaux des personnels des organisations, autant d'éléments qui tiendront une place particulière dans les réflexions de nombre de théoriciens des organisations.
Les apports de ce sociologue sont également essentiels en matière d'épistémologie et de méthodologie. Il pose les bases d'une méthodologie positiviste qui sous-tendra notamment les approches classique et contingente en théorie des organisations.
Ludwig von Bertalanffy (1901-1972)
Bio-physiologiste allemand, L. von Bertalanffy propose dans les années 1950 une théorie destinée à expliquer tous les phénomènes scientifiques, qu'ils relèvent des sciences de la nature ou des sciences sociales. Pour lui, tous ces phénomènes sont composés d'éléments en interaction, d'où l'appellation de systèmes et l'idée d'une théorie générale des systèmes restituant les lois et les principes essentiels qui expliqueraient tous ces systèmes.
De la notion de système, complexe d'éléments en interaction, on peut retenir deux idées principales :
les caractéristiques d'un système ne peuvent s'expliquer à partir des caractéristiques de ses composantes prises isolément. Si un système peut être décomposé analytiquement, son fonctionnement ne peut se comprendre qu'en le saisissant dans son ensemble. En d'autres termes, le tout est différent de la somme de ses parties ;
si on connaît l'ensemble des éléments du système et l'ensemble des relations que ces éléments entretiennent, on peut déduire le comportement du système lui-même.
Ce sont ces conceptions qui sont à la base de l'école systémique en théorie des organisations.
Kenneth Boulding (1910-1993)
Economiste américain, K. Boulding adhère aux idées de L. von Bertalanffy et apporte une contribution originale à la théorie des systèmes en concevant une hiérarchie de ces derniers en niveaux de complexité croissante.
Cette hiérarchie comporte 9 niveaux, chaque système relevant d'un ordre supérieur contenant des systèmes d'un ordre inférieur. Les organisations sociales correspondent aux systèmes de forte complexité (elles se situent au niveau 8 de la hiérarchie).
De cette hiérarchie, on peut retenir la notion importante de système ouvert (le niveau 4) qui est largement utilisée par de nombreux courants en théorie des organisations.
Un système ouvert importe des inputs de son univers extérieur, les transforme en outputs qu'il restitue à son environnement. Soit, schématiquement :
Dans le cas de l'entreprise, par exemple, les inputs sont les matières premières, le capital, le travail, les équipements, les connaissances, qui permettent la production de biens et/ou de services que l'entreprise vend sur le marché, ce qui lui permet de poursuivre son activité.
Outre ce caractère de vie cyclique, un système ouvert possède un certain nombre de caractéristiques. Parmi les plus importantes, il faut mentionner ses capacités de rétroaction négative (capacité à corriger les déviations) et positive (capacité au changement), la notion d'homéostasie (idée d'équilibre dynamique entre entrées et sorties d'énergie), et celle d'équifinalité (possibilité d'atteindre le même état à partir de conditions initiales différentes et à travers de multiples chemins différents).
Philip Selznick (1919-2010)
Cet auteur à la fois un théoricien des organisations, un sociologue du droit, un auteur de philosophie morale.
Trois lignes de force peuvent être retenues pour caractériser ses apports en théorie des organisations :
il est l'un des pionniers de l'analyse des organisations ;
c'est un fondateur de la théorie institutionnelle appliquée aux organisations ;
il est porteur d'une certaine conception de l'entreprise et de son leadership.
P. Selznick est à compter au nombre des quelques premiers théoriciens qui prennent l'organisation comme unité d'analyse et la considèrent en tant que système social ou acteur collectif. Il est devancé dans cette entreprise par C. Barnard, avec lequel il partage un certain nombre d'idées mais aussi des désaccords. Tous deux considèrent l'organisation non seulement comme un système technique de production, mais aussi comme un système social adaptatif essayant de survivre dans son environnement.
P. Selznick développe cette distinction dès 1948, en la présentant comme un paradoxe. Pour lui, d'un côté l'organisation est un ensemble de structures formelles susceptibles de calcul, d'un autre elle est un ensemble de structures sociales encastrées dans une matrice institutionnelle.
De façon générale, P. Selznick participe du mouvement qui consiste à faire des organisations un champ d'étude scientifique, pluridisciplinaire. Membre de l'université Columbia, un des deux centres qui ont largement contribué au développement des recherches sur les organisations et à l'effort de théorisation, il inscrit ses premiers travaux dans le cadre de la théorie de la bureaucratie, sans pour autant partager les hypothèse quelque peu naïves sur la nature humaine que l'école bureaucratique véhicule en raison, notamment, de son ancrage dans la perspective structuro-fonctionnaliste. En témoigne la façon dont P. Selznick explore comment les individus peuvent réagir à leur vie dans une organisation essentiellement impersonnelle.
Il existe un large consensus pour considérer P. Selznick comme étant à l'origine de la théorie institutionnelle des organisations. qui est une extension de la révolution intellectuelle que constitue, au milieu des années 1960, l'introduction de la perspective « systèmes ouverts » dans l'étude des organisations. Au sein de cette perspective, la spécificité de la théorie institutionnelle est de souligner l'importance des forces sociales et culturelles (autrement dit l'environnement institutionnel) sur les organisations et de considérer ces dernières comme quelque chose de plus que des systèmes de production, à savoir des systèmes sociaux et culturels.
Sur ces bases, P. Selznick élucide le processus d'institutionnalisation entendu comme étant la façon dont une organisation se transforme en institution, c'est-à-dire en organisation possédant un caractère distinctif, qui devient valorisée pour elle-même plutôt que pour les biens et services qu'elle produit, à laquelle les participants s'identifient et qu'ils cherchent à préserver. L'institutionnalisation se produit quand les buts des acteurs glissent de la poursuite d'objectifs particuliers via l'organisation à celui de la perpétuation de l'organisation pour elle-même.
P. Selznick considère que le point essentiel de l'institutionnalisation réside dans les valeurs : « l'aspect sans doute le plus significatif de l'institutionnalisation est « l'infusion » par des valeurs au-delà des exigences techniques de l'exécution de la tâche » (Selznick, 1957 : 16-17). Dès lors que l'organisation devient « infused with value », elle ne peut plus être considérée comme un simple outil. Elle acquiert un caractère, une compétence distinctive, qui méritent d'être préservés.
Pour P. Selznick, les termes « institution », « caractère de l'organisation » et « compétences distinctives » reviennent tous au même processus fondamental : la transformation d'un assemblage matériel, technique, en un organisme social. Le leader de l'organisation joue, dans ce processus, un rôle majeur.
Si P. Selznick est un auteur de référence pour les néo-institutionnalistes, il l'est également pour certains spécialistes de stratégie et de théorie de la firme. Son nom est en effet régulièrement cité dans les recensions de travaux considérés comme fondateurs de l'approche ressources et compétences en management stratégique, approche dont on connaît l'ambition qu'elle affiche de se substituer aux théories contractuelles et transactionnelles comme base de la théorie de l'entreprise.
Elliott Jaques (1917-2003)
Ce théoricien anglais est l'un des premiers auteurs à appliquer la psychanalyse à l'étude des organisations. Il conçoit l'organisation comme un assemblage de trois grands composants : une structure sociale, c'est-à-dire un ensemble de rôles et de relations, une culture et un ensemble de personnalités. L'organisation est l'interaction constante de ces trois éléments.
E. Jaques propose la socio-analyse comme méthode de changement de l'organisation et plaide pour une démarche anti-technocratique permettant l'acquisition par les membres de l'organisation de connaissances sur son fonctionnement et de techniques leur permettant de faire face à leurs propres problèmes.
Il développe également une réflexion originale sur le concept d'autorité en proposant une démarcation claire des différents niveaux d'autorité et de responsabilité mobilisant le concept de « période d'autonomie » (« time-span of discretion »). Cette notion correspond au délai maximal durant lequel un subordonné peut exercer son initiative vis-à-vis d'un travail que lui a confié son supérieur sans que ce dernier soit amené à contrôler l'usage qu'il fait de sa liberté d'action. Sur cette base, E. Jaques considère qu'un maximum de 7 niveaux (regroupés en trois catégories : niveau opérationnel, niveau intermédiaire et niveau stratégique) suffit pour gérer une organisation.
Karl E. Weick (1936-)
Ce psychologue social américain a largement contribué à introduire une approche des phénomènes organisationnels rompant avec l'orientation structuro-fonctionnaliste de la théorie classique et de la théorie de la contingence. S'inspirant des traditions pragmatiste et interactionniste, il développe en particulier la théorie dite de « l'enactment » qui met l'accent sur l'origine subjective des réalités organisationnelles. Weick explique lui-même qu'il a utilisé ce terme à dessein pour insister sur le fait que les membres d'une organisation construisent, réarrangent, choisissent et escamotent de nombreuses caractéristiques « objectives » de leurs environnements, intègrent ainsi un certain ordre dans le hasard des variables et créent leurs propres contraintes. Cette notion d'enactment est proche de la théorie de la construction sociale de la réalité défendue par les sociologues allemands Peter Berger et Thomas Luckman dans un ouvrage publié en 1966 (The Social Construction of Reality : A Treatise in the Sociology of Knowledge, Penguin Books).
En lien avec la notion d'enactment, la construction de sens (le « sensemaking ») tient une place centrale dans les travaux de Weick. Celui-ci cherche à savoir comment des individus s'entendent sur ce qu'ils doivent faire de manière qu'ils se coordonnent pour la réalisation d'une action. Le terme de sensemaking désigne le processus selon lequel les individus engagés dans un flux d'interactions construisent un sens de ce qu'ils font. Le fonctionnement des organisations s'explique ainsi par un processus d'interrogation et de construction de sens réalisé par des individus impliqués dans des interactions sociales.
Complément :
Pour une présentation des apports d'un certain nombre d'auteurs essentiels en théorie des organisations, consulter l'ouvrage « Les grands auteurs en management », coordonné par S. Charreire-Petit et I. Huault (éditions EMS, 2009).