Entrepreneur : une profession, une vie

Les conditions d'accès à la profession commerciale

Fondamental

Le principe posé par le législateur est celui de la liberté d'entreprendre. En 1791, le décret d'Allarde, renforcé par la loi Le Chapelier, supprime les corporations pour permettre à toute personne d'exercer le négoce ou le métier de son choix. Cette liberté, tout d'abord tempérée par l'obligation de se conformer à l'ordre public et aux bonnes mœurs est ensuite encadrée par des normes d'intérêt général.

La première condition est liée à la capacité juridique de la personne.

Complément

Précisons ici quelques notions essentielles concernant la capacité juridique.

Il convient tout d'abord de classer les actes juridiques pour déterminer quelles sont les personnes habilitées pour conclure légitimement l'acte. Les actes juridiques se répartissent en trois catégories dans un ordre croissant d'impact sur le patrimoine : les actes conservatoires, les actes d'administration et les actes de disposition.

ACTES

Acte conservatoire

Acte d'administration

Acte de disposition

Acte par lequel on maintient en état le patrimoine.

Acte d'exploitation ou de gestion courante du patrimoine.

Acte modifiant la composition du patrimoine.

Exemples : réparation d'un bien, inscription d'hypothèque garantissant une créance de la personne protégée.

Exemples : vente de meubles d'usage courant, conclusion d'un bail d'habitation, ouverture d'un compte de dépôt.

Exemples : vente d'un immeuble, conclusion d'un emprunt, renonciation à une succession.

La capacité juridique se subdivise en capacité de jouissance, aptitude à être ou à devenir titulaire de certains droits et en capacité d'exercice, aptitude à disposer soi-même de ses droits.

En droit français, la capacité est la règle et l'incapacité, l'exception. L'incapacité ne se présume donc pas, elle doit faire l'objet d'une décision de justice. Le prononcé de l'incapacité d'une personne est motivé par la suspicion, défiance vis-à-vis d'un individu fautif, ou par le souci de protection, nécessité de sauvegarder les intérêts d'une personne jugée incapable d'y pourvoir elle-même.

Nul ne peut remédier à l'incapacité de jouissance alors que l'acte interdit par l'incapacité d'exercice peut être effectué par le représentant de la personne. De ce fait, les incapacités de jouissance sont rares et ne sont jamais totales, ce qui priverait l'individu de la personnalité juridique.

En revanche, les incapacités d'exercice sont plus fréquentes. Elles peuvent être générales, à savoir s'appliquer à tous les actes juridiques, ou elles peuvent être spéciales c'est-à-dire limitées à certains actes.

Le mineur est déclaré incapable par la loi. Il s'agit d'une incapacité générale, le mineur ne peut accomplir seul aucun acte et doit être assisté ou remplacé par son représentant légal. Mais il existe des exceptions à ce principe et le mineur peut accomplir seul certains actes conservatoires, par exemple une dépense courante avec son argent de poche.

Le mineur émancipé acquiert la quasi-totalité de la capacité juridique du majeur, il subsiste cependant quelques limites (permis de conduire, droit de vote, jouer au casino...)

La décision d'émancipation est rendue par le juge des tutelles(TGI), sur requête des représentants légaux du mineur qui doit être âgé de 16 ans révolus. L'émancipation est acquise de plein droit par le mariage.

Le régime de l'incapacité du majeur a été profondément réformé par la loi du 5 mars 2007. Le sens de la réforme était d'unifier le droit de la tutelle et d'assurer davantage de protection et de sécurité aux personnes concernées. D'ailleurs l'expression « majeur incapable » est sortie du vocabulaire, car injurieuse, et elle est remplacée par « majeur protégé ».

Les régimes de protection sont les suivants par ordre croissant de protection : sauvegarde de justice, curatelle, tutelle.

Fondamental

Seul le majeur capable peut être commerçant de plein droit.

Le mineur non émancipé ne peut, ni être commerçant, ni réaliser des actes de commerce isolés.

Désormais, le mineur émancipé peut être commerçant, soit sur décision du juge des tutelles au moment de l'émancipation, soit sur autorisation du président du TGI lorsque l'émancipation a déjà eu lieu. Cette disposition a été introduite par la loi du 15 juin 2010, portant création de l'EIRL.

En ce qui concerne les majeurs protégés. Le majeur sous sauvegarde de justice conserve le plein exercice de ses droits. Il ne lui est donc pas, en principe, interdit de réaliser des actes de commerce. Cependant ce régime de protection introduit une protection à posteriori et les actes passés par le majeur protégé peuvent ensuite être rescindés pour lésion ou réduits pour excès. Dans la pratique on imagine mal, par conséquent, que le régime de la sauvegarde de justice puisse se concilier avec l'activité commerciale.

Le majeur placé sous curatelle doit être assisté et contrôlé de manière continue pour les actes de disposition, il est libre et autonome pour les actes de gestion courante. Là encore, même si la loi n'interdit pas qu'un majeur sous curatelle soit commerçant, les réalités de la vie des affaires semble difficilement conciliable avec ce statut.

Le majeur sous tutelle doit être représenté de manière continue, il ne peut être commerçant, ni réaliser des actes de commerce, le tuteur ne peut pas le représenter en la matière.

Le commerçant peut se protéger lui-même et son entreprise, contre les aléas de la vie qui pourraient entraîner une situation d'incapacité. Le mandat de protection future, entré en vigueur le 1er janvier 2009, lui permet de désigner, à l'avance, un ou plusieurs mandataires chargés de la gestion de son entreprise.

Fondamental

Après la capacité juridique, la nationalité est la deuxième restriction au libre exercice du commerce. Il n'y a pas d'interdiction systématique à l'exercice du commerce, par une personne de nationalité étrangère, en France. Cependant différentes démarches sont à effectuer en fonction de la situation de la personne.

Complément

Il n'y a aucune formalité pour les personnes qui résident régulièrement en France et qui sont :

  • ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen (Islande, Liechtenstein, Norvège) ou de la Confédération suisse et de la Bulgarie et de la Roumanie à partir du 1er janvier 2014 ;

  • titulaire d'une carte de résident, ou d'une carte de résident "longue durée-CE", ou d'une carte de résident algérien de 10 ans ou "vie privée et familiale", ou d'une carte de séjour temporaire "vie privée et familiale", ou d'une carte "compétences et talents".

Pour les autres personnes résidant régulièrement en France mais qui ne sont pas dans la situation ci-dessus, il faut demander une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité non salariée. La demande est faite à la Préfecture du domicile.

Pour les personnes ne résidant pas en France et ne faisant pas partie des dispenses, il faut demander un visa long séjour auprès des autorités diplomatiques, dans le pays de résidence. Dans les deux mois de l'installation en France, il faudra demander une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité non salariée, en précisant la nature de l'activité.

Les personnes qui ne désirent pas s'installer en France et qui ne font pas partie des personnes dispensées doivent faire une simple déclaration préalable en Préfecture.

Les personnes concernées sont, en ce qui concerne l'entreprise :

  • le commerçant ou l'artisan, ainsi que toute personne ayant le pouvoir d'engager l'entreprise à titre habituel,

  • l'associé tenu indéfiniment ou indéfiniment et solidairement des dettes sociales (ex : associé d'une société en nom collectif),

  • l'associé ou le tiers ayant le pouvoir de diriger, gérer ou le pouvoir général d'engager à titre habituel la personne morale,

  • l'administrateur ou le représentant permanent d'un groupement d'intérêt économique à objet commercial,

  • la personne physique ayant le pouvoir d'engager une personne morale de droit étranger au titre d'un établissement, d'une succursale, d'une représentation commerciale implantée en France ou d'une agence commerciale d'un Etat, collectivité ou établissement public étranger établi en France et effectuant des actes de commerce.

Source : http://www.apce.com/pid627/le-createur-etranger.html

Fondamental

La troisième restriction à la liberté du commerce est l'exercice d'une activité incompatible avec l'activité commerciale. Certaines professions ont des règles déontologiques strictes qui imposent de détacher l'intérêt personnel au profit de l'intérêt général. C'est le cas, notamment, des professions libérales ou des fonctionnaires.

Complément

L'exercice du commerce est, de façon générale, interdit :

  • aux personnels commissionnés ou titulaires des réseaux de chemins de fer d'intérêt général ou local, et autres services concédés, compagnies de navigation maritime et aérienne subventionnées, régies municipales et départementales directes ou intéressées, ainsi qu'au personnel titulaire des caisses d'assurances sociales,

  • aux fonctionnaires, agents ou ouvriers des services publics de l'Etat, des départements, communes, offices, établissements publics,

  • aux officiers ministériels et auxiliaires de justice : notaires, avocats, huissiers de justice,

  • aux agents de change (sociétés de bourse) ou courtiers,

  • aux administrateurs et liquidateurs judiciaires,

  • aux pharmaciens d'officine,

  • aux architectes,

  • aux experts-comptables.

Dispositions applicables au conjoint d'une personne exerçant une profession incompatible avec le commerce :

  • le conjoint d'un fonctionnaire voulant ouvrir un commerce doit en faire la déclaration à l'administration,

  • le conjoint d'un auxiliaire de justice ne peut exercer la profession d'agent d'affaires,

  • en revanche, il n'est pas interdit au conjoint d'un médecin d'exercer le commerce de pharmacie,

  • incompatibilité avec un mandat parlementaire.

Incompatibilités spéciales :

  • l'exploitation commerciale d'une officine de pharmacie est interdite aux médecins, sages-femmes, dentistes (sauf exception Code santé publique article L 4211-3).

Remarque

Il convient de noter que certaines professions évoluent sur ce point ou demandent à évoluer.

Précisions sur quelques incompatibilités.

Voir le rapport : « L'incompatibilité de la profession d'avocat avec les actes de commerce et les professions ou fonctions commerciales. Sens et portées contemporaines d'une telle prohibition ? » Conseil national des Barreaux. Juillet 2010.

http://www.cercle-du-barreau.org/media/00/00/1909819962.pdf

Fondamental

La quatrième restriction à la liberté du commerce concerne les interdictions et déchéances. Il s'agit ici d'exclure de la profession, des personnes qui ne présentent pas les garanties de moralité indispensables à l'exercice de l'activité commerciale. D'ailleurs l'intitulé de la loi de 1947 ne laisse planer aucun doute sur la question puisqu'il s'agit de la loi sur l'assainissement des professions commerciales.

La loi du 22 mars 2012 a créé le fichier national automatisé des interdits de gérer dont le but est de « lutter contre les fraudes et prévenir la commission des infractions ».

Ce fichier enregistre les mesures d'interdiction de diriger, de gérer, d'administrer ou de contrôler, directement ou indirectement, une entreprise commerciale, industrielle ou artisanale, une exploitation agricole, une entreprise ayant toute autre activité indépendante ou une personne morale.

Fondamental

Enfin, la dernière limitation au libre exercice du commerce concerne les professions réglementées. En effet, l'exercice de certaines professions commerciales est soumis à des règles spéciales concernant, notamment, l'obtention de diplômes, licences, agréments, cartes professionnelles. Les démarches spécifiques à faire ne sont pas à prendre à la légère car leur négligence pourrait compromettre gravement le projet de création de l'activité.

La liste des professions réglementées est accessible auprès des CCI et des CFE.

Exemple

Consultation du site de l'APCE pour une profession commerciale : agence de voyage.

http://www.apce.com/cid96011/agent-voyages.html

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