Introduction au management des universités

Les Universités sont en "mal" de management

Définition

Pourquoi parler d'un « mal de management » ? Parce qu'au fond, même si on ne s'en rend pas toujours compte, le manque de modèles managériaux et d'outils de gestion appropriés « fait souffrir » une organisation. Elle en « blesse » le potentiel d'action. Elle ne permet pas aux ressources internes de s'incarner dans les formes opérationnelles les plus efficaces ou les plus réalistes.

Pour bien manager une université, il faut apprendre toutes sortes de modèles managériaux et d'outils de gestion.

Ces modèles et ces outils ne se trouvent pas spontanément. Il faut s'appuyer sur des théories et des pratiques qui ont été développées, ici ou ailleurs, et qu'il est possible de transférer au profit des universités.

Méthode

Les sources en sont multiples :

  1. des pratiques internes qui ont bien fonctionné et qu'on a pu formaliser ;

  2. des instruments de gestion importés d'autres organisations publiques françaises ;

  3. des outils managériaux issus d'entreprises privées (après aménagement, et si les problématiques sont proches de celles des universités, pour éviter des transferts qui n'auraient pas lieu d'être et causeraient plus de problèmes qu'ils n'en pourraient résoudre) ;

  4. des pratiques d'universités étrangères, dont on a mesuré l'intérêt, la qualité ou les retombées concrètes ;

  5. des outils créés conjointement par les dirigeants d'université et des experts en management (grâce à de la recherche-action, en tâchant de formaliser des bricolages locaux plutôt réussis, ou en travaillant à construire des modèles de compréhension et d'action à partir d'une analyse approfondie des pratiques en cours – de leurs résultats, de leurs forces, de leurs faiblesses).

Le but est d'enrichir son répertoire managérial comme on enrichirait son potentiel de figures (de techniques) dans un sport (notamment collectif). Une équipe dont les membres ou le coach manquent de techniques réussit rarement à triompher de ses adversaires. Mais c'est pareil si elle manque d'initiatives, de force physique ou d'énergie combative.

Le management n'est pas tout, loin s'en faut, mais c'est un ingrédient essentiel. Parfois, il n'est pas plus visible que l'eau qui a été mise dans la farine pour faire le pain. Mais sans cette eau qui, d'ailleurs, s'évapore en partie, il n'y a pas de gonflement de la mie sous l'effet du levain.

Il ne s'agit surtout pas d'imposer des modèles à ceux qui sont en charge, localement, du devenir de leurs universités. Ce qui importe, c'est d'élargir leurs perspectives, de donner plus de force à leur diagnostic et de leur fournir de nouvelles possibilités d'analyse, de projets ou de voies d'action.

Complément

Dans la gestion quotidienne et l'évaluation des performances, on ne dispose pas assez de modèles à partir desquels se donner une meilleure représentation du réel, afin de mieux orienter ses activités.

Parmi les risques possibles, deux sont trop fréquents par rapport au management des universités :

  • celui que des gens prennent le pouvoir sans avoir jamais géré directement des structures opérationnelles. Ils ne sont pas assez préparés aux besoins de réalisme, de médiation et d'affrontement aux situations courantes. En dehors du secteur public où on confond parfois l'intelligence ou le droit d'élection avec l'expérience pratique, rares sont les organisations à accepter des dirigeants qui n'ont pas, d'une manière ou d'une autre, trempé dans l'action quotidienne (qui n'ont pas été « au charbon ») ;

  • celui que des gens s'appuient sur les normes publiques (et leurs injonctions) en les interprétant dans le sens de leurs idéologies (« mettre de l'ordre », « clarifier », « aboutir à des formes supposées », « répondre à des exigences imaginées », etc.). C'est le cas pour ceux qui ne disposent pas de modèles réalistes sur ce qu'est une organisation, un diagnostic, une stratégie. Des approches trop normatives nuisent aux fonctionnements complexes des universités.

Par exemple, les universités sont le plus souvent des conglomérats de pratiques qu'on ne peut pas gérer de la même manière. Ce serait absurde d'imposer à tous les mêmes modèles d'action. Il y a bien sûr des lieux de convergence, mais aussi des besoins de compromis ou de différenciation.

Complément

Attention à trois excès fréquents :

  • la centralisation (trop de hiérarchisation des pouvoirs), alors qu'on peut fonctionner en réseaux multipolaires où chacun organise ses solutions, en concertation avec les autres, en puisant à des outils disponibles, en adaptant les réglementations, sans être soumis à toutes sortes d'interdits au nom d'un faux égalitarisme qui nie les différences d'objectifs ou de contextes.

    Comme le souligne ELINOR OSTROM (prix Nobel d'économie) dans sa « gouvernance des biens communs », seuls sont efficaces des collectifs locaux à qui on laisse l'autonomie de gérer leur territoire de référence.

    Qu'il y ait des règles générales et des contraintes d'évaluation, c'est la moindre des choses. Que les efforts soient reconnus et les fautes sanctionnées (en tout cas pour servir de base à des aménagements correctifs - formation des personnes, modification des structures, amélioration des styles de management), ce devrait être la règle. Mais quand on multiplie les règlementations jusqu'à les rendre excessives, on prend le risque qu'elles débordent et suscitent des réactions défensives : détournements, oppositions, manquements.

  • la bureaucratisation (trop de craintes face à l'incertitude), alors qu'on doit laisser les choses fonctionner d'elles-mêmes, en laissant des autonomies de moyens si les acteurs en montrent le bien fondé par leurs résultats.

    Seule la prise de risque permet l'innovation, à condition qu'elle aboutisse à des effets globalement positifs. Mais si on entrave d'avance les marges de manoeuvre par des procédures formelles, on perd du temps, de l'énergie et on casse l'envie d'agir.

  • la planification rhétorique (une projection verbale de l'avenir, très rationnelle dans le texte, mais qui reste à l'état de discours). Car le réel oblige à zigzaguer, à changer en partie de projets. L'anticipation est nécessaire, mais elle doit rester souple pour faire face aux aléas et saisir les opportunités du chemin.

    Par exemple, certains programment des plans pluriannuels très contraignants, avec des conséquences trop précises, alors :

    • qu'on est dans l'obligation d'affronter de l'inconnu, du risque, des ambiguïtés ;

    • qu'il convient d'agir en vue d'une efficacité concrète, immédiate, à effets pratiques, au lieu de préparer sans cesse ce qu'il y a lieu de faire, d'en établir des discours (considérés en soi comme des acquis ou des résultats) et de prendre pour des réussites ce qui n'est qu'un avant goût formel d'une action toujours pas réalisée. Les vrais chantiers sont ceux de l'action concrète (pas de la palabre sans fin).

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