Définitions de la santé au travail
La santé est une notion complexe ; c'est un idéal et ce qui l'altère est multifactoriel.
Canguilhem a une définition très simple de ce qui fait la santé, « Je me porte bien pour 3 raisons. D'une part, quand je porte la responsabilité de mes actes. D'autre part, lorsque j'apporte des “choses” à l'existence. Enfin lorsque je peux créer entre les “choses” des liens qui ne leur viendraient pas sans moi »
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Estelle Morin[1], psychologue du travail, considère que nous sommes « en santé » lorsque nous sommes « adaptés » à une situation. La maladie est selon elle, le signe qu'une limite a été dépassée dans notre tentative d'adaptation ; cette maladie nous dit que quelque chose ne va pas ou nous perturbe.
Complément :
A partir de Salomé J., (2010), Manuel de survie dans le monde du travail. Comment faire face aux situations de stress, Le Relié.
« S'adapter, cela veut dire être capable de survivre dans les différents milieux où nous sommes amenés à vivre. S'adapter, c'est se donner les moyens de protéger et de garder son intégrité physique, psychologique et morale par rapport à un environnement qui change, qui ne répond pas toujours à nos attentes et qui parfois même peut s'avérer déstabilisant voire menaçant. S'adapter, c'est respecter ses besoins relationnels vitaux. Si nous considérons que communiquer est la sève de la vie, nous percevons bien que la non communication, l'incommunication ou les communications pernicieuses qui dominent actuellement le monde du travail sont à l'origine de beaucoup de violences (disqualifications, agressions verbales, rejet ou isolement) et d'auto-violences (violence retournée contre soi par des états excessifs de fatigue, des somatisations multiples) qui aboutissent à des périodes dépressives. »
Pour Salomé, il est toujours possible :
de réduire les risques d'apparition du stress par une anticipation préventive face à des conduites et comportements qui vont se révéler générateurs de disfonctionnements,
d'apprendre à mieux se confronter aux situations de stress par un positionnement relationnel où l'affrontement et la soumission sont remplacés par la confrontation et l'affirmation.
Travailler impose toujours aux salariés de prendre en charge les particularités de leurs activités, les imprévus, autant de choses que la hiérarchie n'est pas toujours en état de percevoir.
Pour les salariés, il ne s'agit pas seulement d'adapter les modes opératoires prescrits à la variabilité des objets et des situations.
Ils ont aussi à répondre à des enjeux qui ne sont pas pris en compte dans les consignes et qui ont un impact sur la qualité du travail.
Lorsqu'ils se voient imposer des décisions sans pouvoir les discuter, cela génère souvent chez eux du stress surtout lorsqu'ils ont le sentiment que les décisions prises ne vont pas dans le sens d'améliorer le travail.
Faute de temps ou d'espaces pour réfléchir, les salariés en viennent à utiliser des discours préfabriqués, vides de sens et qui ne traduisent que très partiellement les enjeux et les dilemmes dans lesquels ils sont.
La mise en mots de l'expérience de travail constitue une ressource clé pour le débat social.
Il y a des entreprises qui favorisent la confrontation des expériences d'autres au contraire qui ne l'encouragent pas en préférant mettre fin ainsi à toutes les divergences ou contradictions possibles.
Le travail devient alors une expérience solitaire. Or la maîtrise du travail est rendue plus difficile sans le soutien des collègues.
La santé au travail est un sujet sensible parce qu'il questionne les pratiques de GRH, aussi bien que l'organisation du travail et les modes de management.
Les apports de la psychologie clinique du travail[2] et de la psycho-dynamique[3] ont été essentiels.
Initiée dans les années 80 par Christophe Dejours, la psycho-dynamique du travail se définit comme l'analyse des processus intersubjectifs mobilisés dans les situations de travail.
Travailler ensemble requiert en effet, de se référer à des représentations communes non seulement pour assurer la coordination des activités mais aussi pour permettre la coopération entre les acteurs.
Cette « mise au travail » est ensuite « mise à l'épreuve » des représentations du travail, des idéaux professionnels, de la part de soi qui est engagée dans le travail.
Il y a donc réélaboration des représentations au fur et à mesure que les représentations antérieures se heurtent à l'expérience de la réalité ou à la singularité des situations.
De nouveaux modes opératoires sont ainsi construits collectivement et offrent un cadre signifiant commun aux acteurs.
Fondamental :
Toutefois travailler n'est pas seulement se livrer à une activité.
C'est aussi établir des relations avec les autres, s'engager dans des formes de coopération et d'échange, s'inscrire dans une répartition des rôles, des places et des tâches, se confronter les uns aux autres.
La clinique de l'activité regarde tout ce qui est en décalage (ou en rupture) avec les modes habituels de faire ou de penser.
Ces « écarts » à la règle (ou à la norme) favorisent l'émergence de ce qui est ni de mise ni entendu dans le contexte habituel.
Les émotions, les réactions, les contradictions révèlent par morceaux ce que le discours habituel (ou conventionnel) ne laisse pas voir ou entendre.
Dans son écoute, le clinicien favorise l'accès au sous-jacent ou au non dit. Il interroge les professionnels sur leurs conceptions du travail bien fait, du travail empêché, du travail interdit ou encore du travail accompli. Il regarde comment le professionnel assemble ses expériences, les relie pour donner du sens à son travail. Ou au contraire, il tente de cerner ce qui contrarie ce travail d'assemblage et produit une perte de sens du travail lui-même.
Fondamental :
La psycho-dynamique et la psychologie clinique du travail ont donc beaucoup apporté à l'analyse de l'activité.
Elles ont notamment montré que :
Le travail « affecte » toute personne. Il ne faut donc pas voir la subjectivité, les émotions et les affects comme des «risques» (pour la productivité ou la sécurité des installations, voire l'image de l'entreprise), mais plutôt comme des leviers de la motivation au travail.
Le travail est une activité sociale produite avec d‘autres, pour d'autres et en fonction d'autres. Les questions de santé doivent donc être abordées en lien non seulement avec les contextes mais aussi les personnes (à la fois en tant qu'individu et en tant que membre d'un collectif de travail).
Le travail ne peut être compris qu'à travers l'action. C'est en analysant les pratiques que l'on observe l'écart entre les représentations de la situation de travail et la réalité de celle-ci. Les obstacles rencontrés, et qu'il faut dépasser, font de l'activité une mise à l'épreuve des personnes (dans leurs désirs ou dans leur volonté).
Le travail est une scène où se jouent simultanément et dialectiquement le rapport à soi, le rapport à autrui et le rapport au réel ( Lhuillier, 2002, p. 276[4]). Il est donc important d'associer les professionnels aux démarches de diagnostic et de prévention. Car sinon comment comprendre l'activité de travail ?
Exemple : Lomel-Spress S., (2009), « Psycho-dynamique d'un accident de travail. Quand les mains prennent la parole », Le journal des psychologues, n°264, février
L'exemple suivant illustre l'importance de tenir compte des effets psychologiques d'un accident de travail.
Voici l'histoire de Denis (consultez le document PDF)
Aujourd'hui, il ne fait plus de doute que l'environnement de travail est un élément déterminant de la santé.
La dernière enquête de l'Observatoire de la Vie Au Travail (OVAT, 2012) montre les résultats suivants :
les salariés regrettent le manque de transparence des méthodes de management et sont inquiets vis-à-vis de l'avenir ;
plus de la moitié d'entre eux évaluent défavorablement le climat social de leur entreprise ;
selon eux, ce sont surtout les relations interpersonnelles au travail qui se dégradent alors qu'ils constatent une amélioration du dimensionnement des postes de travail (job design) ;
plus de 37 % d'entre eux se sentent exposés à des situations de stress dans le travail. En cause le manque de clarté des informations, le manque de reconnaissance et le manque de visibilité de leurs perspectives d'évolution.
Définition :
Ce tableau reprend certaines dimensions du travail. Elles sont souvent utilisées pour expliquer les problèmes de santé liés au travail.
L'autonomie au travail | Elle fait appel à l'utilisation, au développement des compétences et à la participation aux décisions |
La demande psychologique et la charge de travail | Elles renvoient à la quantité de travail, aux exigences intellectuelles requises, aux contraintes de temps ainsi qu'aux interruptions dans la réalisation de la tâche. |
Le soutien social au travail | Il peut provenir du supérieur ou des collègues. Ces derniers peuvent à la fois offrir un soutien émotionnel, des ressources, de l'estime, de l'aide tangible ou démontrer un véritable intérêt pour la personne. |
Les relations interpersonnelles | Elles renvoient aux tensions, aux conflits, aux situations d'intimidation ainsi qu'au harcèlement psychologique |
La justice organisationnelle | Elle concerne la perception qu'ont les employés de la manière dont ils sont traités dans leur travail et les répercussions que ce traitement entraîne sur eux. |
La reconnaissance au travail | Elle constitue d'abord une réaction constructive ; il s'agit aussi d'un jugement posé sur la contribution de la personne, tant en matière de pratique de travail que d'investissement personnel et de résultats du travail. |
La conciliation travail – vie personnelle | La conciliation travail – vie personnelle réfère aux possibilités offertes aux employés pour équilibrer les exigences du travail et les exigences de la vie personnelle. |
La gestion des changements | Elle se réfère à la manière dont les changements (mineurs et majeurs) sont gérés et communiqués dans l'organisation ainsi qu'à la manière dont se fait la transition entre la situation actuelle et la situation désirée. |